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DU BRIGAND
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— Je veux dire que j’ai bien mérité ce qui m’est arrivé.

En prononçant ces derniers mots, Mme La Troupe sentit disparaître toute sa timidité pour faire place à la colère et à la vengeance.

— Malheureuse !

Et Stéphane, honteux de se trouver en tête à tête avec une pareille femme, prit son chapeau et fut sur le point de se retirer.

— Attendez, monsieur, attendez, dit Mme La Troupe en lui prenant le bras ; il s’agira bientôt plus de votre intérêt que du mien.

Stéphane frémit.

— Sachez, poursuivit Mme La Troupe en grinçant des dents, que si je suis ici aujourd’hui, si je suis condamnée à y terminer ma vie, je dois le reprocher à un seul homme, le plus infâme, le plus exécrable que l’on puisse rencontrer. Malheur à lui ! voici le temps de la vengeance arrivé, voici le moment où ses crimes vont être dévoilés, où ses victimes vont se ruer sur lui pour le condamner et le maudire ! Maudit soit-il ! s’écria Mme La Troupe dans un violent accès de désespoir, en s’arrachant les cheveux et en se frappant la tête.

Élise effrayée s’était approchée en tremblant de Stéphane qui n’était guère plus rassuré qu’elle. Après un quart d’heure passé dans des transes et des convulsions horribles, Mme La Troupe devint un peu plus calme ; des sueurs froides inondaient ses joues décharnées ; elle se laissa tomber sur une chaise ; puis jetant sur Stéphane des yeux égarés, elle versa des larmes abondantes, et reprit :

— Je devais être la dernière des femmes qui dût terminer sa vie aussi misérablement : il fut un temps de bonheur et d’aisance pour moi, un temps de vertu et de piété, un temps où je venais moi-même consoler et secourir les prisonniers ! Et aujourd’hui qu’est devenu ce temps ? J’étais riche, monsieur, aussi riche que ces dames qui tiennent à présent les premières places dans la société ; je suis