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DU BRIGAND
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rer à la campagne ; mais si vous voulez bien profiter de l’avantage que je vais vous proposer, je suis certain que vous pourrez encore être heureuse. J’ai à Québec un hôtel qui se trouve abandonné aujourd’hui, faute d’une personne respectable et capable de remplir la fonction d’hôtelière ; je vous l’offre, madame, avec d’autant plus de confiance que je connais vos qualités et votre activité ; vous aurez, en y entrant, tout ce qui sera nécessaire pour tenir une bonne maison, et les pensionnaires ne vous manqueront pas. Je vous donne donc la préférence sur le grand nombre de personnes qui en ont déjà fait la demande.

Ma situation ne me permettait pas d’hésiter : je l’acceptai donc avec reconnaissance, et huit jours après je laissais, en pleurant, le lieu de ma naissance où j’avais passé de si heureux jours ; j’allai dire un dernier adieu à la tombe de mon époux, j’embrassai tous mes amis, et je me mis en route avec Élise et le peu d’effets qui m’étaient restés.

Me voilà donc rendue à cet hôtel ; mais quel hôtel, grand Dieu ! Vous l’avez vu, monsieur : c’était l’auberge du faubourg Saint-Louis telle qu’elle est aujourd’hui.

Ici, Mme  La Troupe s’arrêta pour donner un libre cours à ses larmes ; jusqu’ici elle n’avait eu à raconter que le malheur ; mais elle touchait à présent à quelque chose de plus révoltant : le crime !

Stéphane après avoir partagé sa douleur, la pria de continuer.

— Lorsque j’aperçus cette chétive masure, reprit Mme  La Troupe, lorsque je remarquai le délabrement, la malpropreté et l’abandon qui m’étaient réservés, je regrettai mon premier état, ma misère tout affreuse qu’elle était ; cependant je ne voulus pas encore m’arrêter à la pensée que j’avais été trompée ; mon protecteur (je pouvais alors lui donner ce nom) m’avait paru trop plein de mérite. J’attendis avec impatience une visite de sa part ; il vint le lendemain matin.