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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/92

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LA FILLE

— Est-ce là, lui demandai-je, l’hôtel ?… — Les misérables, se dit-il avec une colère affectée, voyez un peu s’il y a à laisser quelque chose de bon à leur disposition ; voyez comme ils ont tout massacré dans l’espace d’un mois tout au plus. Je vous demande pardon, madame, me dit-il avec déférence, j’ai été trompé moi-même ; j’avais donné permission à quelques-uns de mes gens de loger ici en attendant, et voyez, ajouta-t-il en levant les épaules ; mais ne vous désespérez pas ; je vais remettre en peu de temps toutes les choses en ordre ; vous serez comme une reine ; demain, je vais envoyer des ouvriers et des effets ; prenez courage, madame, vous verrez que je suis homme à tenir ma promesse ; et il se retira en me donnant deux dix schillings pour la journée.

Le lendemain, la semaine se passèrent, je ne vis arriver personne, ni ouvriers, ni mon protecteur ; ce ne fut que le mardi de la semaine suivante que j’eus sa seconde visite ; il me dit que de mauvaises affaires l’avaient empêché d’avoir des ouvriers, mais qu’il en enverrait aussitôt qu’il serait en état de les payer. Enfin, pour abréger autant que possible cette malheureuse histoire, Je vous dirai que mon auberge resta telle que vous l’avez vue, qu’elle ne fut fréquentée que par le rebut de la société avec qui je m’accoutumai peu à peu, si bien que au bout de trois mois j’en avais acquis les vices et les habitudes. À force de détours et de supplications, je parvins à apprendre que j’avais affaire à des brigands et à des scélérats dont le chef n’était autre que mon protecteur. Il m’avoua tout lui-même et me fit de si horribles menaces, de si belles promesses, que je n’eus pas le courage d’abandonner l’auberge. Il me mit ensuite dans ses secrets et ses intérêts les plus chers ; je connaissais tous les crimes avant même leur exécution ; et ma maison devint le réceptacle de tous les effets volés.

Ce mystère ne pouvait durer longtemps. Cette nuit on a surpris les brigands au moment où ils entraient chez moi pour cacher leur vol ; on fit des