Page:L'Épée-Bébian.- Art d'enseigner aux sourds-muets, 1820.djvu/20

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comme un baume qui en cicatrise les plaies, et elles ne sont pas sans charmes pour celui qui les répand. Ce commerce des âmes est pour nous plus qu’un plaisir ; c’est un besoin. Brisez ce lien qui attache l’homme à l’homme, et sa vie n’est plus un présent du ciel ; c’est un fardeau dont toutes ses forces pourront à peine soutenir le poids. Sans souvenir, comme sans espérance, son existence, qui ne se rattache ni au passé ni à l’avenir, s’arrête pour ainsi dire au besoin du moment, et ne se fait plus sentir que par l’ennui ou la douleur.

Tel et plus déplorable encore était l’état des sourds-muets, avant que la charité, fille du ciel, eût renversé la barrière que la privation d’un sens avait élevée entre ces malheureux et le reste des hommes.

Un préjugé aussi absurde qu’il est humiliant pour l’espèce humaine, représentait le sourd-muet comme une sorte d’automate, sensible aux impressions physiques, mais dont aucune étincelle de raison n’éclairait l’esprit, dont aucun sentiment n’échauffait le cœur. Étranger au sein même de sa famille, cet enfant délaissé du ciel et des hommes, était relégué, par l’amour-propre de ses parens, loin de la société où il n’inspirait qu’une pitié humiliante ! Vai-