Page:L'Épée-Bébian.- Art d'enseigner aux sourds-muets, 1820.djvu/83

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que la Providence mettait dès-lors les fondemens de l’œuvre à laquelle j’étais destiné.)

Je concevais d’ailleurs que, dans toute nation, les paroles et l’écriture ne signifiaient quelque chose que par un accord purement arbitraire entre les personnes du même pays, et que partout il avait fallu des signes qui donnassent aux paroles, comme à l’écriture, et à l’écriture aussi parfaitement qu’aux paroles, la vertu de rappeler à l’esprit les idées des choses, dont on avait prononcé ou écrit, écrit ou prononcé les noms, en les montrant par quelque signe des yeux ou de la main.

Plein de ces principes, fondés sur une exacte métaphysique, je commençai l’instruction de mes deux élèves, et je reconnus bientôt qu’un sourd-muet, guidé par un bon maître, est un spectateur attentif qui se donne à lui-même (ipse sibi tradit spectator) le nombre et l’arrangement des lettres d’un mot qu’on lui présente, et qu’il le retient mieux que les autres enfans, tant qu’ils ne les ont pas entendus répéter par un usage quotidien.

Je vis d’ailleurs, par expérience, que, dès le commencement de son instruction, tout sourd-muet, doué d’une certaine activité d’esprit, apprend, en trois jours environ, quatre-vingts mots