Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/287

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, et je ne vois devant moi qu’un petit espace de terre. Quelques brins d’herbe, sur l’un d’eux une fourmi marchant la tête en bas, des détritus végétaux, voilà tout mon univers. Et encore ne le vois-je que d’un seul œil, l’autre étant fermé par quelque chose de dur., sans doute le rameau sur lequel s’appuie ma tête. Je suis dans une position extrêmement mal commode, je veux me remuer, mais je ne comprends absolument pas pourquoi je ne peux faire le moindre mouvement. Ainsi passe le temps. J’entends le bruit de sauterelles, le bourdonnement d’une abeille ; rien de plus. Enfin je fais un effort, je dégage ma droite de dessous mon corps et, les deux mains appuyées sur la terre, je cherche à me soulever sur les genoux.

Quelque chose d’aigu et de rapide comme l’éclair me traverse tout entier, des genoux à la poitrine et à la tête, et je retombe. De nouveau, tout s’obscurcit, tout s’efface.

... Je me suis réveillé. Pourquoi vois-je les étoiles qui brillent d’un éclat si vif sur le ciel bleu-noir de la Bulgarie ? Ne suis-je pas dans la tente ? Pourquoi en suis-je sorti ? Je fais un mouvement et je ressens une douleur lancinante aux jambes.

Oui, j’ai été blessé dans le combat. Grièvement pu non ? Je me tâte les jambes, à l’endroit où elles me font mal. Et toutes deux sont couvertes de sang caillé. Quand je les touche avec les mains, la douleur devient encore plus forte. C’est comme le mal aux dents : continu, poignant à vous arracher l’âme. Mes oreilles bourdonnent, ma tête est lourde. Je comprends vaguement que je suis blessé aux deux jambes. Qu’est-ce donc ? Pourquoi ne m’a-t-on pas ramassé ? Les Turcs nous ont-