On lui avait ordonne fie marcher et il avait marché. S’il ne l’avait pas fait, on l’aurait frappé d’un bâton. ou bien un pacha lui aurait envoyé une balle de revolver. Il avait effectué une longue et pénible marche de Stamboul à Roustchouk. Nous l’avions attaqué, il s’était défendu. Mais voyant que nous étions des gens terribles, ne craignant pas sa carabine anglaise brevetée de Pibaudy et .Martini, que nous avancions toujours et quand même, il avait été pris de terreur. Comme il voulait se sauver, un petit homme, qu’il aurait pu assommer d’un seul coup de son poing noir, s’était jeté brusquement sur lui et lui avait enfoncé sa baïonnette dans le cœur.
En quoi donc était-il coupable ?
Et moi, en quoi suis-je coupable, quoique je l’aie tué ? En quoi suis-je coupable ? Pourquoi la soif me tourmente-t-elle ? La soif ! Oui sait ce que ce mol signifie ! Même au moment où nous traversions la Roumanie en faisant, par une horrible chaleur de 40°, des marches de cinquante verstes, même alors je n’éprouvais pas ce que j’éprouve maintenant. Ah ! si quelqu’un arrivait !
Mon Dieu ! mais dans son énorme gourde, il y a sûrement de l’eau. Il faut parvenir jusqu’à lut. Au prix de quels efforts ? N’importe, j’y parviendrai.
Je rampe, mes jambes traînent, mes bras affaiblis meuvent à peine le corps immobile. Cinq mètres tout au plus me séparent du cadavre ; mais, pour moi, c’est sinon plus, en tout cas pire que des dizaines de kilomètres. Il faut quand même ramper. Ma gorge est enflammée et brûle comme du feu. Et puis, sans eau, je mourrai plus vile. Peut-être tout de même...