Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/305

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levez !

C’est Pierre Ivanitch, l’officier de notre ambulance, un homme grand, maigre et très doux, qui commande. Il est si grand qu’en tournant les yeux de son côté, je vois constamment sa tête avec sa barbe longue et rare et le haut de son corps, quoique la civière soit portée sur les épaules de quatre soldats robustes.

— Pierre Ivanitch ! murmurai-je.

— Quoi, mon cher ?

Pierre Ivanitch se penche sur moi.

— Pierre Ivanitch ! que vous a dit le docteur ? Est-ce bientôt que je mourrai ?

— Allons donc, Ivanoff. Vous ne mourrez pas. Vous avez tous les os intacts. Quelle chance ! Pas un os, pas une artère ! Comment avez-vous pu vivre ces trois jours et demi ? Qu’avez-vous mangé ?

— Rien.

— Et qu’avez-vous bu ?

— J’ai pris la gourde du Turc. Pierre Ivanitch, je ne peux pas parler maintenant. Plus tard.

— Eh bien, que le ciel vous conserve, mon cher, dormez tranquillement.

De nouveau le sommeil, l’oubli...

Je me suis réveillé dans l’ambulance divisionnaire. Auprès de moi se tiennent des médecins, des sœurs de charité, et en outre je vois le visage connu d’un célèbre professeur de l’Académie de Pétersbourg, penché au-dessus de mes jambes. Il les examine rapidement et m’adresse la parole :

— Eh bien, vous avez de la chance, je