Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/304

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— Tu ne les verras pas, tu ne les verras pas, tu ne les verras pas, répondent les buissons de l’autre côté.

— Il n’y a pas moyeu de les découvrir ! prononça une voix forte à côté de moi.

Je suis pris d’un frisson, et je reviens brusquement à moi. A travers les buissons me regardent les bons yeux, bleus de Vakovlev, notre caporal.

— Des pelles ! crie-t-il. Il y en a encore deux par ici ; un des nôtres et un des leurs.

— Pas besoin de pelles, il ne faut pas m’enterrer, je suis vivant ! veux-je crier ; mais un faible gémissement s’exhale seul de mes lèvres desséchées.

— Mon Dieu ! Mais on dirait qu’il est encore en vie ? Monsieur Ivanoff ! Mes braves ! venez ici, notre monsieur est vivant ! Et courez vite chercher un médecin.


* * *


Une demi-minute après on me verse dans la bouche de l’eau, de l’eau-de-vie et encore autre chose. Puis tout disparaît.

La civière se meut avec un doux balancement. Ce mouvement me berce. Tantôt je me réveille, tantôt je m’endors de nouveau. Mes blessures, pansées, ne me font pas mal ; une sensation de bien-être indicible est répandue dans tout mon corps.

— Halte-là ! mettez par terre ! Infirmiers ! quatrième détachement, marche ! à la civière ! Prenez... sou