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JOHN-HENRY MACKAY

ET LES INDIVIDUALISTES ANGLO-SAXONS

Pour que le niveau moral moyen s’élève, il est indispensable que les conditions sociales, et particulièrement économiques, soient favorables à ee relèvement. Que quelques esprits mieux doués parviennent à acquérir cette indépendance morale, lour supériorité est toute personnelle et disparaît avec eux. Elle se limite à leur individualité et son influence sur la masse inconsciente ne se généralise pas suffisamment pour déterminer par l’exemple un progrès sensible.

Les conditions économiques, au contraire, par leurs effets plus tangibles, intéressent directement les classes qui ont à en ouffrir. Tel est le point de la question qui les préoccupe davantage et vers la solution duquel tendent de préférence leurs efforts et leurs études. Depuis quelques années, les classes ouvrières, notamment, ont analysé, approfondi laborieusement la question économique et leur intelligence à cet égard s’est considérablement accrue. J’en veux citer comme preuve la clairvoyance avec laquelle, dernièrement, ont manœuvré les verriers de Carmaux, en l’affaire de la Verrerie ouvrière, évitant avec une sûreté de vue qui ferait honneur aux ouvriers anglais les plus éclairés, les écueils qui de toutes parts s’offraient, distinguant très nettement entre les deux solutions proposées, l’une coopérative, l’autre communiste et s’inspirant dans leur choix, non pas de leur intérêt immédiat, mais de celui de tout le prolétariat français.

La classe ouvrière est donc plus familiarisée avec les questions économiques qu’avec les questions philosophiques et morales qui la touchent de moins près. Ses progrès en ces matières sont très sensible ?, et le propagateur d’idées nouvelles est bien plus assuré d’une fructueuse récolte s’il sème sur le terrain économique que s’il s’obstine à cultiver le terrain philosophique encore aux trois quarts inculte, et pour le moment encore, désert.

Je ne prétends pas cependant qu’il faille, au profit du premier, délaisser entièrement le second. Mais il importe de bien se convaincre que l’état moral actuel de l’humanité est le produit des conditions dans lesquelles elle a vécu depuis des siècles et que ce serait trop présumer des forces et de la volonté de chacun ainsi que de l’efficacité de toute propagande que d’espérer un relève¬

(1) Voir le n° 2 de l’Art social (août 1896,)