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LA RÉVOLTE DES MACHINES


En ce temps-là, Durdonc, Grand-Ingénieur d’Europe, crut avoir trouvé le principe qui permettrait bientôt de supprimer tout travail humain. Mais sa première expérience causa sa mort avant que le secret fût connu.

Durdonc s’était dit :

— Les progrès primitifs furent l’invention d’outils qui permirent à la main de ne plus s’écorcher et de ne plus perdre ses ongles aux travaux inévitables. Les seconds progrès furent l’organisation de machines que la main ne mania plus, qu’elle dut seulement nourrir de charbon et d’autres aliments. Enfin mon illustre prédécesseur Durcar découvrit les appareils qui savent prendre d’eux-mêmes leur nourriture. Mais tous ces progrès n’ont fait que déplacer la fatigue, puisqu’il faut fabriquer les machines et aussi les outils qui servent à leur fabrication.

Et il avait continué de songer :

— Le problème dont je veux la solution est difficile, non impossible. Le premier qui construisit une machine fit une larve vivante, un tube digestif aux besoins duquel les hommes devaient fournir. À cette larve, informe jusque-là, mon illustre prédécesseur adapta les organes de relation qui lui permettent de trouver d’elle-même ses aliments. Reste à lui fournir les rouages de reproduction qui nous dispenseront de créer désormais.

Il sourit, murmurant à mi-voix une formule lue en quelque vieille théogonie :

— Et, le septième jour, Dieu se reposa.

Durdonc usa à ses calculs assez de papier pour s’en construire un palais immense. Mais enfin il réussit.

La Jeanne, une locomotive du dernier modèle, fut rendue capable d’enfanter, sans le secours d’une autre machine. Car le Grand-Ingénieur, en chaste savant, avait tourné ses études du côté de la reproduction par parthénogenèse.

La Jeanne eut un enfant que Durdonc nomma — pour lui seul, car il gardait jalousement le secret, espérant perfectionner son invention — la Jeannette.