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Et dans la splendeur qu’il étale
Comme une ville orientale
Baignait la froide capitale ;

Comme j’errais, le nez au vent,
Dans la rue au tableau mouvant,
En flâneur naïf et savant,

Je vis sur l’asphalte élastique
D’un trottoir aristocratique
Une vivante et fantastique

Parisienne au pas léger,
Type dont rêve l’étranger !
Femme qu’on ne peut, sans changer

Aussitôt sa route et la suivre,
Rencontrer, tant on devient ivre
La voyant se mouvoir et vivre ;

Tant à ses petits pieds vainqueurs,
Infatigables remorqueurs,
Elle sait attacher les cœurs !

Mise, par ma foi ! comme en mise
De bal, aussi bien qu’en chemise,
Elle seule sait être mise,

Dans la foule, au milieu du bruit,
Sous la voilette où son œil luit,
Discernant très-bien qui la suit,

Et sachant que d’elle on s’occupe,
Feignant de soulever sa jupe,
Un jeu dont on est toujours dupe ;

Avec un air fin et discret,
Dont Gavarni sut le secret,
Et des mouvements qu’on dirait,

À voir, avec le vol des manches,
Le tangage amoureux des hanches
Ravis aux goëlettes blanches ;