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Idéal qui passe, rêvé
Longtemps, qu’on croit enfin trouvé,
Enchanteresse du pavé !

Dans la soie et dans la dentelle
Elle allait et, se hâtait-elle,
Qu’on se demandait : où va-t-elle ?

Quel est son but et son dessein ?
Dans l’éblouissant magasin,
Où l’étoffe au riche dessin

Dans mille glaces se reflète,
Irait-elle, pour sa toilette,
Faire quelque importante emplette ;

Ou bien, afin de se cacher
D’un mari qui peut la chercher,
Disant « au galop » au cocher,

Se jeter dans une voiture,
Et partir, folle créature,
Pour une galante aventure ;

Ou bien encore, dans un lieu
Triste et nu, sans lampe ni feu,
Où la faim tend les bras vers Dieu,

Porter le seul pain qu’on y mange ?
Car, on le sait, cet être étrange,
S’il n’est un démon est un ange.

Peut-être aussi par ce soleil
Sorti souriant et vermeil
Des froides brumes du sommeil,

Ne veut-elle parmi les brises,
Hors du foyer aux ombres grises
Et les rayons — douces surprises —

Que se promener simplement.
Tout à coup, je ne sais comment
Et comme par enchantement,