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Page:L'Ermitage, revue de littérature et d'art, janvier à juin 1905.djvu/99

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Il ne me plaisait guère de me voir en butte aux airs protecteurs d’un déclassé, mais j’étais son hôte pour le présent, bien qu’il ne possédât qu’un vêtement d’alpaga fort déchiré, et une paire de culottes taillée dans de la toile de balle à café. Il retira sa pipe de sa bouche, et poursuivit judicieusement :

— Tout bien considéré, je doute que vous soyez le plus heureux. Je ne parle pas au point de vue de vos connaissances classiques extrêmement limitées, ou de votre horrible accentuation, mais de votre grossière ignorance en ce qui concerne des matières plus immédiatement soumises à votre attention. Ceci, par exemple.

Il désigna une femme en train de nettoyer un samovar près du puits, au centre du sérail.

Elle faisait sauter l’eau du bec par secousses cadencées d’une façon régulière.

— Il y a manière et manière de nettoyer les samovars. Si vous saviez pourquoi elle accomplit sa besogne de cette façon spéciale, vous sauriez ce que le moine espagnol voulait dire lorsqu’il s’exprimait ainsi :

« I the Trinity illustrate
Drinking watered orange-pulp —
In three sips the Aryan frustrate,
While he drains his at one gulp
 » —[1].


et beaucoup d’autres choses qui maintenant sont cachées à vos regards. Cependant, Mrs Mac Intosh a préparé le dîner. Mettons-nous à manger à la mode des gens du pays — dont, en passant, vous ne savez rien.

La femme indigène plongea la main dans le plat avec nous. C’était irrégulier. L’épouse devrait toujours attendre que le mari eût mangé. Mac Intosh Jellaludin s’en excusa, disant :

— C’est un préjugé anglais dont je n’ai pu triompher ; et elle m’aime. Ce que je n’ai jamais été en état de comprendre. Je me suis collé avec elle à Jullundur, il y a trois ans, et elle est toujours restée

  1. Moi, j’illustre la Trinité
    En buvant de l’orangeade —
    En trois gorgées j’enfonce l’Aryen,
    Tandis qu’il avale la sienne d’un seul coup. —
    Soliloquy of the Spanish Cloister (R. Browning.)