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Page:L'Ermitage, revue de littérature et d'art, janvier à juin 1905.djvu/98

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Au début de nos relations, Mac Intosh m’avertit.

— Rappelez-vous ceci. Je ne suis pas un objet à servir d’objectif à la charité. Je ne réclame ni votre argent, ni votre nourriture, ni votre vieille défroque. Je suis ce rare animal, un ivrogne qui se suffit à ses besoins. Si vous voulez, je fumerai votre tabac, car celui des bazars ne convient pas, je l’accorde, à mon palais, et je vous emprunterai tous les livres auxquels vous pouvez ne pas tenir spécialement. Il est plus que probable que je les vendrai pour des bouteilles de liqueurs du pays extrêmement dégoûtantes. En retour, vous partagerez telle hospitalité que peut fournir ma maison. Voici un charpoy[1] sur lequel on peut s’asseoir à deux, et il est possible qu’il se trouve, de temps à autre, à manger dans ce plat. À boire, malheureusement, vous trouverez sur les lieux à toute heure. Et c’est ainsi que je vous souhaite la bienvenue dans tout mon pauvre établissement.

Je fus admis au foyer de Mac Intosh — moi et mon bon tabac. Mais ce fut tout. Par malheur, on ne peut guère, pendant le jour, faire visite à un déclassé dans le sérail. Les amis en train d’acheter des chevaux ne le comprendraient pas. En conséquence, je fus obligé d’attendre la nuit pour voir Mac Intosh. Il en rit, et dit simplement :

— Vous avez parfaitement raison. Quand je jouissais d’une situation dans la société, et je dirai plus élevée que la vôtre, j’eusse fait exactement de même. Bonté divine ! Je fus jadis — il parla comme si, ayant commandé un régiment, il fût tombé de son grade — je fus d’Oxford !

Cela expliquait l’allusion à l’écurie de Charley Symonds.

— Vous, ajouta Mac Intosh lentement, vous n’avez pas eu cet avantage, mais, selon toute apparence extérieure, vous ne semblez pas possédé d’une soif ardente pour les boissons fortes. En résumé, j’imagine que vous êtes le plus heureux des deux. Cependant je n’en suis pas certain. Vous êtes, pardonnez-moi de vous le dire, surtout au moment où je fume votre excellent tabac, vous êtes péniblement ignorant de maintes choses.

Nous étions assis ensemble sur le bord de sa couchette, car il ne possédait pas de chaises, et en train de regarder donner à boire aux chevaux pour la nuit, pendant que la femme indigène préparait le dîner.

  1. Sorte de couchette en usage dans l’Inde.