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SITUATION EN 1882.

difficile d’en faire cas, en songeant au fait d’armes du commandant Rivière, à la facilité avec laquelle sa poignée d’hommes se maintenait depuis lors au cœur du pays ennemi. Du reste, le Ministre de la Marine avait tout récemment fait le compte des forces nécessaires pour mener à fin l’entreprise. En octobre 1882, l’amiral Jauréguiberry évaluait à 8000 hommes de troupes françaises et 3000 hommes de de troupes indigènes l’effectif du corps expéditionnaire, qui suffirait avec l’appui d’une escadre de six bâtiments pour l’établissement et le maintien de notre protectorat. M. Duclerc, président du Conseil, et l’amiral avaient déjà reconnu d’un commun accord qu’un crédit annuel de dix millions environ couvrirait les frais. Dans une pareille mesure, l’expédition projetée ne pouvait compromettre ni la force militaire, ni les finances de la France.

Une seule éventualité était à considérer : c’était l’intervention armée de la Chine. On n’ignorait pas que la Chine revendiquait un droit de suzeraineté sur l’Annam, et qu’elle entretenait au Tonkin des troupes requises par le Gouvernement annamite lui-même pour rétablir l’ordre troublé des bandes rebelles.

En ce qui touche le droit de suzeraineté, notre siège était fait depuis longtemps. Par le traité de 1874, nous avions reconnu l’entière indépendance de l’Annam vis-à-vis de toute puissance étrangère. Ce traité, nous l’avions notifié dès 1875 à la Chine, qui n’avait fait aucune protestation formelle. Nous pensions même, — d’après une traduction inexacte d’une dépêche du prince Kong — que, les liens de vassalité de l’Annam s’étant depuis longtemps relâchés, la Cour de Pékin n’y attachait plus qu’un intérêt historique. Au commencement de 1882, Gambetta avait déclaré nettement au marquis Tseng, que nous n’admettrions pas « que le Gouvernement chinois vient contester un traité existant et déjà entré dans la période d’application depuis près de huit années. » Au mois de mai suivant, M. de Freyeinet avait complété cette déclaration, en ajoutant que les mesures relatives à l’exécution du traité de 1874 « concernaient exclusivement les deux états signataires, et qu’en conséquence nous n’avions aucune explication à fournir au Gouvernement chi-