Page:L'année sociologique, tome 11, 1906-1909.djvu/104

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236, 243)[1] ; il est pratiqué par les gens d’un seul village. Ce charme, dressé sur la plage, consiste en une effigie de totem mâle et une autre de femelle ; ce sont des lamar, des esprits, auxquels les gens de la confrérie s’adressent et, grâce aux paroles prononcées, les tortues, dans la mer, vont s’accoupler et se reproduire. Le mythe raconte que, seul, celui qui leur avait parlé put les prendre, et c’est encore grâce à ces rites que les tortues, aujourd’hui, se laissent prendre ou partent. On voit qu’en définitive, les pratiques et même le mythe totémiques subsistent ; seul le cadre dans lequel elles se développent a changé. Le clan est remplacé par la confrérie.

D’autres zogo nous semblent occuper une place intermédiaire entre les cultes totémiques et les cultes agraires. Les zogo des ignames lèvent, lors de la récolte, le tabou dont cette plante était frappée (p. 211). D’autres servent à tabouer les propriétés, les jardins, les plantes pendant la période de croissance. Un certain nombre de ces rites sont même de simples fêtes agraires, par exemple l’Alag des prunes (cf. p. 206) ; ce sont des courses, des visites d’esprits, des danses. Le culte de l’étoile de Dogai tient à la foi au totémisme, au culte agraire et au culte astronomique (cf. p. 290, 143, et 209). Même nous nous étonnons que M. Haddon n’ait pas vu le parti qu’il y avait à tirer de ces faits pour s’expliquer cette décomposition du totémisme, que M. Rivers (p. 174) rattache à la plus grande densité de la population, à la proximité des villages, à la prédominance de l’agriculture. L’agriculture et la forte densité sociale sont normalement incompatibles, en effet, avec le totémisme qui suppose une vie sociale moins intense, et des préoccupations plus variées, moins dépendantes du temps et des saisons.

Le culte national. — C’est le culte du héros national appelé (p. 44-45) Bomai (nom secret), Malu (nom très secret), Beizam (le crocodile). Il est célébré au sein d’une société d’hommes, unique, pour toute l’île de Mer en particulier. Mais cette société est organisée d’une manière très particulière qui trahit ses origines totémiques. Elle se divise en plusieurs confréries de grades divers, mais fermées les unes aux autres. Sans doute, les représentations ainsi que la majeure partie de l’initiation se célèbrent en commun ; mais les préparatifs de chaque

  1. Nous réunissons dans notre exposé des renseignements que M. Haddon, par suite de ses excessives divisions, a dispersés entre différents chapitres.