Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/113

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— Opéra-Comique, 8 mai, pendant le ballet de Marouf. Dans la salle, il y a des blessés. L’un n’a plus de nez. Et toujours l’affreuse odeur phéniquée.

— J’ai sous les yeux une demande d’un général d’attaquer à 7 h. 30 au lieu de 6 h. 45, parce que son artillerie est déréglée après un tir continu de la veille. Elle exige une nouvelle mise au point. Réponse, au bas de la feuille : Ordre absolu d’attaquer à 6 h. 45.

— Pour moi, l’optimisme béat reste une des causes du mal. Puis, tous les États-Majors, catholiques, ont inconsciemment foi dans le miracle. Et, depuis 1911, cet esprit de jésuitière régnait en maître à l’École de Guerre. On voulait imposer ses plans à l’ennemi. C’est ainsi que le G. Q. G. devait être à Vitry, où il se faisait construire une salle de guerre dans la Poste.

— Le 11. Depuis le 8, une offensive est engagée entre Arras et Lille. On la suit avec angoisse. Si elle échoue, c’est qu’on ne pourra rien.

— Une dame réconforte de paroles les blessés dans la rue. Elle avise un Anglais, la figure bandelettée de linges : « Vous venez sans doute du front ? » Et lui, au lieu de répondre : « Ça se voit », réplique avec le froid humour anglais : « No. Hambusqué… »

— À l’École militaire, je vois une dame âgée, en deuil, qui arrête les soldats et leur glisse une médaille. Ils acceptent avec embarras.

— L’humoriste P…, mobilisé comme chauffeur, raconte qu’une nuit de zeppelins, les guetteurs de Chantilly étaient un peu dispersés. Des mains inexpertes parviennent à allumer un projecteur. Malheureusement, il est juste braqué sur l’hôtel