Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/243

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— Le capitaine Ménard déjeune chez Mme R… Il conte son évasion. Les journaux l’ont publiée. Ils n’ont pas dit, cependant, certaines ruses qui eussent été ainsi éventées. Par exemple, les camarades de Ménard et Pinsard inondérent leurs effets et leur literie d’eau de Cologne, afin d’en dénaturer l’odeur et de dépister les chiens que les Allemands lancent à la poursuite des évadés. Un braconnier leur enseigna que pour dépister ces chiens en cours de route, on doit jeter du poivre derrière soi et s’enduire les semelles d’ail. Ces procédés leur réussirent. Pinsard, qui s’était déjà évadé une fois en se jetant d’un train en marche, avait été découvert dans un taillis par une petite fille, car les écoliers sont également lancés à la recherche des évadés. Il lui fit grâce de la vie et fut repris. Ils eurent plusieurs alertes. Dès la sortie du fort, un homme leur parla. Ils ignoraient l’allemand. Pinsard répondit « Ya » à tout hasard. Cet homme en resta stupide. Plus tard, des manœuvres de cavalerie amenèrent des troupes dans le bois où ils étaient cachés. Un cheval hennit même. À la frontière suisse, la nuit, une sentinelle allemande vint vers eux. Ils étaient décidés à tout. Mais cet homme posa sa culotte, son fusil et autre chose. Il avait frôlé la mort sans le savoir. Au premier buffet de gare suisse, ils dévorèrent tous les petits pains destinés au premier déjeuner. Le buffetier leur dit : « Vous venez d’Allemagne ? » À Genève, ils furent courtement reçus au consulat français. Enfin, on les reconduisit à Annemasse, en terre française. Et là ils s’embrassèrent.

J’accompagne Ménard à l’Aéronautique. En me quittant, il me demande d’intervenir pour faire avoir la croix…à Pinsard.

— J’ai dit les efforts tentés pour que Briand