Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/29

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retombèrent dans les gamelles. Puis un sursaut : « Eh bien, on va leur casser la gueule. » Et aussi la résignation : « Puisqu’il le fallait. »

— Car il s’avère bien qu’on a donné aux masses le sentiment de la guerre inévitable.

— Dans un hôtel à Bordeaux, deux voyageurs : « Il commence à y avoir des articles pessimistes. » Et l’autre, péremptoire : « Moi, je ne les lis jamais. »

— Je demande à l’un de nos ministres : Qui coordonne l’action de l’armée et celle de la marine ? Je n’obtiens pas de réponse précise. Le Conseil des ministres, suppose-t-il…

— Pour chacun, une question, des questions se posent : A-t-il été au feu ? A-t-il vu le feu ? A-t-il été derrière le feu ? C’est un baptême nécessaire.

— Un des fils Guillaumet, dont on était sans nouvelles depuis deux mois, écrit. Il est prisonnier, blessé, à Nuremberg. « Je ne mourrai pas, petite maman. Je ne crois pas qu’il faudra me couper la jambe. Cependant la plaie est bien vilaine… Maman, ne souffre pas. C’est bien assez que je souffre… »

— Et elle, la mère, avoue qu’elle a moins souffert de perdre mari, parents, enfants. Ce n’étaient pas des deuils voulus par des hommes, ce n’étaient pas des deuils qu’on aurait pu empêcher. Et puis, quelque chose la bouleverse : son fils est là, sur un coin de la terre, où elle ne peut pas aller.

— Ah ! l’État-Major général manque de psychologie. S’il se doutait de l’attention qu’on met à lire, entre les mots, le communiqué. S’il concevait ces millions d’êtres qui l’attendent…

— Le malentendu se creuse entre l’armée et la nation. La seconde n’existe pas pour la première. Une municipalité représente-t-elle que la rupture