Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


FÉVRIER 1915


— À l’hôpital de Mme X…, on soigne les blessures aux yeux. Un célèbre docteur dit qu’on devrait y soigner les généraux, qui se sont fichu le doigt dans l’œil.

— Quand on suggère que les Français, en Westphalie, violeraient plus que les Allemands en France, les patriotes répliquent : « Oh ! mais cette fois, il y aurait consentement. »

— Plusieurs fois, on agite au Conseil des ministres la question des enfants nés des viols allemands. On écarte l’avortement. On élargira les « tours ».

— 3 février. Déjeuner avec Loti et un lieutenant Simon, qui eut, à la Marne, le radius brisé et un œil enlevé. L’affreux, c’est que, lorsqu’il raconte comment il fut blessé, il ne concentre même plus l’attention des convives. Déjà, c’est de l’indifférence. « Les héros sont trop », a-t-on dit. Cela rappelle le mot de l’officier amputé des deux jambes : « Oui, en ce moment, je suis un héros. Dans un an, un cul-de-jatte. »

Ce lieutenant Simon est, dans la vie, professeur de français en Angleterre. Il a traduit un roman anglais. Voilà une publication qui devrait avoir de la vogue, comme un symbole de l’alliance. Hélas ! ce roman est indésirable : il raconte le mariage de Gœthe.