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Page:L'homme, cet inconnu.djvu/221

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LE TEMPS INTÉRIEUR

de l'être humain, depuis sa conception jusqu'à sa mort. Il peut aussi être considéré comme un mouvement, comme les états successifs qui construisent notre quatrième dimension sous les yeux de l’observateur. Parmi ces états, les uns sont rythmiques et réversibles, tels que les pulsations du cœur, les contractions des muscles, les mouvements de l'estomac et ceux de l'intestin, les sécrétions des glandes de l'appareil digestif, la menstruation. Les autres sont progressifs et irréversibles, tels que la perte de l’élasticité de la peau, le blanchissement des cheveux, l'augmentation des globules rouges du sang, la sclérose des tissus et des artères. Les mouvements rythmiques et réversibles s’altèrent également pendant le cours de la vie. Ils subissent, eux aussi, un changement progressif et irréversible. Et en même temps, la constitution des humeurs et des tissus se modifie, C'est ce mouvement complexe qui est le temps physiologique.

L'autre aspect du temps intérieur est le temps psychologique. Notre conscience enregistre, non pas le temps physique, mais son propre mouvement, la série de ses états, sous l'influence des stimulus qui lui viennent du monde extérieur. Comme le dit Bergson, le temps est l'étoffe même de la vie psychologique. La durée mentale n'est pas un instant qui remplace un instant. Elle est le progrès continu du passé. Grâce à la mémoire, le passé s'amoncelle sur le passé. Il se conserve de lui-même automatiquement. Tout entier, il nous suit à chaque instant. Sans doute, nous ne pensons qu’avec une petite partie de notre passé. Mais c’est avec notre passé tout entier que nous désirons, voulons, agissons[1]. Nous sommes

  1. Bergson Henri, l'Évolution créatrice.