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XV
PRÉFACE DE LA DERNIÈRE ÉDITION AMÉRICAINE

sance de la réalité totale, sont condamnés à la stérilité. Les révolutionnaires russes auraient pu créer une civilisation nouvelle s’ils avaient eu une conception vraiment scientifique de l’homme au lieu de l’incomplète vision de Karl Marx. La rénovation de notre civilisation demande de façon impérative, outre une grande impulsion spirituelle, la connaissance de l’homme dans sa totalité.

L’homme doit être considéré dans son ensemble en même temps que dans ses aspects. Ces aspects sont l’objet de sciences spéciales, telles que la physiologie, la psychologie, la sociologie, l’eugénisme, la pédagogie, la médecine. Il y a des spécialistes pour chacun d’eux. Mais nous ne possédons pas encore de spécialistes pour la connaissance de l’homme lui-même. Les sciences spéciales sont incapables de résoudre même les plus simples des problèmes humains. Un architecte, un maître d’école, un médecin, par exemple, ne connaissent que de façon incomplète les problèmes de l’habitation, de l’éducation, de la santé. Car chacun de ces problèmes intéresse toutes les activités humaines, et dépasse les limites de la connaissance de chaque spécialiste.

Nous avons besoin en ce moment d’hommes possédant, comme Aristote, une connaissance universelle. Mais Aristote lui-même ne pourrait pas embrasser toutes les connaissances que nous possédons aujourd’hui. Il nous faut donc un Aristote composite. C’est-à-dire, un petit groupe d’hommes appartenant à des spécialités différentes, et capables de fondre leurs pensées individuelles en une pensée collective. Car il y a, à toutes les époques, des esprits doués de cet universalisme qui étend ses tentacules sur toutes choses. La technique de la pensée collective demande beaucoup d’intelligence et de désintéressement. Peu d’individus y sont aptes. Mais seule elle permettra de résoudre les problèmes humains. Aujourd’hui, l’humanité doit se donner un cerveau immortel qui puisse la guider sur la route où en ce moment elle chancelle. Nos institutions de recherche scientifique ne suffisent pas, car leurs trouvailles sont toujours fragmentaires. Pour édifier une vraie science de l’homme, et une technologie de la civilisation, il nous faut créer des centres de synthèse où la pensée collective forger la connaissance nouvelle. Ainsi, il deviendra possible de donner à l’individu et à la