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XIV
L’HOMME, CET INCONNU

éternellement vrais. Ces concepts sont les concepts opérationnels, qui ont été clairement définis par Bridgman. Ces concepts procèdent immédiatement de la mesure ou de l’observation exacte des choses, Ils sont applicables à l’étude de l’homme, autant qu’à celle des objets inanimés. Il faut les établir aussi nombreux que possible à l’aide de toutes les techniques que nous sommes capables de développer. À la lumière de ces concepts, l’homme apparaît comme un être à la fois simple et complexe. Comme un foyer d’activités simultanément matérielles et spirituelles. Comme un individu étroitement dépendant du milieu physicochimique et psychologique dans lequel il est immergé. Considéré ainsi de façon concrète, il diffère profondément de l’être abstrait construit par les idéologies politiques et sociales. C’est sur cet homme concret, et non plus sur des abstractions, que la société doit s’édifier. L’unique route ouverte au progrès humain est le développement optimum de toutes nos potentialités physiologiques, intellectuelles et spirituelles. Seule cette appréhension de la réalité totale peut nous sauver. Il faut donc abandonner les systèmes philosophiques, et mettre toute notre confiance dans les concepts scientifiques.

La destinée naturelle de toutes les civilisations est de grandir et de dégénérer, et de s’évanouir en poussière. Notre civilisation échappera peut-être au sort commun des grands peuples du passé, parce qu’elle a à sa disposition les ressources illimitées de la science. Mais la science ne met en branle que les forces de l’intelligence. Et l’intelligence n’entraîne jamais les hommes à l’action. Seuls, la peur, l’enthousiasme, l’esprit de sacrifice, la haine ou l’amour peuvent donner la vie aux créations de l’esprit. La jeunesse de l’Allemagne et celle de l’Italie, par exemple, sont animées par la foi qui les pousse à se sacrifier pour un idéal. Peut-être les démocraties enfanteront-elles aussi des hommes ayant la passion de construire, Peut-être, en Europe et en Amérique, ces hommes existent-ils déjà, jeunes, pauvres, dispersés, inconnus. Mais l’enthousiasme et la foi, s’ils ne sont pas unis à la connais-