Page:L'homme, cet inconnu.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
LE TEMPS INTÉRIEUR

queux qui coulerait à la fois dans l'espace et dans le temps. Il ne change pas instantanément sa direction. Quand on veut agir sur lui, il faut songer à la lenteur de son mouvement propre. Nous ne devons pas modifier brutalement sa forme, comme on corrige à coups de marteau les défauts d’une statue de marbre. Seules, les opérations chirurgicales produisent des changements soudains qui sont favorables. Et encore l'organisme cicatrise-t-il lentement l'œuvre brutale du couteau. Aucune amélioration profonde du corps ne s'obtient de façon rapide. Notre action doit s’insinuer dans les processus physiologiques, qui sont le substratum de la durée, en suivant leur propre rythme. Ce rythme de l’utilisation par l'organisme des agents physiques, chimiques, ct psychologiques est lent. Il ne sert à rien d’administrer à un enfant, une seule fois, une grande quantité d’huile de foie de morue. Mais une petite quantité de ce remède, donnée chaque jour pendant plusieurs mois, modifie les dimensions et la forme du squelette. Les facteurs mentaux n’agissent également que d’une façon progressive. Nos interventions dans la construction de la personnalité structurale et psychologique n’ont leur plein effet que si elles se conforment aux lois de notre développement. L'enfant ressemble à un ruisseau qui suit toutes les modifications de son lit. Le ruisseau garde son identité dans la diversité de sa forme. Il peut devenir lac ou torrent. La personnalité persiste dans le flux de la matière. Mais elle grandit ou diminue, suivant les influences qu’elle subit. Notre croissance ne se fait qu'au prix d’un émondage constant de nous-mêmes. Nous possédons, au début de la vie, de vastes possibilités. Nous ne sommes limités dans notre développement que par les frontières extensibles de nos prédispositions