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L'HOMME, CET INCONNU

développée au delà de la conception de Descartes et, devenue la science de l'homme, pourrait fournir à la société moderne des ingénieurs connaissant les mécanismes de l’être humain, et de ses relations avec le monde extérieur.

Cette superscience ne sera utilisable que si elle anime notre intelligence au lieu de rester ensevelie dans des bibliothèques. Mais un cerveau humain peut-il assimiler une quantité aussi énorme de connaissances? Existe-t-il des hommes capables de bien connaître l'anatomie, la physiologie, la chimie, la psychologie, la pathologie, la médecine, et de posséder, en même temps, des notions approfondies de génétique, de chimie alimentaire, de pédagogie, d’esthétique, de morale, de religion, d'économie politique et sociale? Il semble qu’on puisse répondre à cette question de manière affirmative. L’acquisition de toutes ces sciences n’est pas impossible à un esprit vigoureux. Elle demanderait environ vingt-cinq années d’études ininterrompues. À l’âge de cinquante ans, ceux qui auront eu le courage de se soumettre à cette discipline seront probablement capables de diriger la construction des êtres humains et d’une civilisation faite réellement pour eux. A la vérité, il sera nécessaire que ces savants renoncent aux habitudes ordinaires de l’existence, peut-être au mariage, à la famille. Ils ne pourront pas non plus jouer au bridge et au golf, aller au cinéma, écouter les programmes des radios, faire des discours dans des banquets, être membres de comités, assister aux séances des sociétés scientifiques, des partis politiques, ou des académies, traverser l'Océan pour prendre part à des Congrès Internationaux. Ils devront vivre comme les moines des grands ordres contemplatifs. Non comme des professeurs d’université,