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VI

Nécessité pratique de la connaissance de l'homme.

En somme, les sciences de la matière ont fait d’immenses progrès tandis que celles des êtres vivants restaient dans un état rudimentaire. Le retard de la biologie est attribuable aux conditions de l'existence de nos ancêtres, à la complexité des phénomènes de la vie et à la nature même de notre esprit, qui se complaît dans les constructions mécaniques et les abstractions mathématiques. Les applications des découvertes scientifiques ont transformé notre monde matériel et mental. Ces transformations ont sur nous une influence profonde. Leur effet néfaste vient de ce qu’elles ont été faites sans considération pour nous. C’est cette ignorance de nous-mêmes qui a donné à la mécanique, à la physique et à la chimie le pouvoir de modifier au hasard les formes anciennes de la vie.

L'homme devrait être la mesure de tout. En fait, il est un étranger dans le monde qu'il a créé. Il n’a pas su organiser ce monde pour lui, parce qu’il ne possédait pas une connaissance positive de sa propre nature. L’énorme avance prise par les sciences des choses inanimées sur celles des êtres vivants est donc un des événements les plus tragiques de l’histoire de l'humanité. Le milieu construit par notre intelligence et nos inventions n’est ajusté ni à notre taille, ni à notre forme. Il ne nous va pas. Nous y sommes malheureux. Nous y dégénérons moralement et mentalement. Ce sont précisément les groupes et

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