Page:L'homme, cet inconnu.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
LA SCIENCE DE L’HOMME

sont applicables aux étages superposés de l'organisation corporelle. Mais il n’est pas permis de confondre les concepts propres à un étage avec ceux qui sont spécifiques d’un autre. Par exemple, la seconde loi de la thermodynamique, indispensable au niveau moléculaire, est inutile au niveau psychologique, où s’applique le principe du moindre effort pour le maximum de jouissance. Le concept de la capillarité et celui de la tension osmotique n'éclairent pas les problèmes de la conscience. L’explication d’un phénomène psychologique en termes de physiologie cellulaire ou de mécanique électronique, n’est qu'un jeu verbal. Cependant, les physiologistes du dix-neuvième siècle, et leurs successeurs qui s’attardent parmi nous, ont commis une telle erreur, en essayant de réduire l’homme tout entier à la physico-chimie. Cette généralisation injustifiée de notions exactes a été l'œuvre de savants trop spécialisés. Il est indispensable que chaque système de concepts garde son rang propre dans la hiérarchie des sciences.

La confusion des données que nous possédons sur nous-mêmes vient surtout de la présence, parmi les faits positifs, des débris de systèmes scientifiques, philosophiques et religieux. L'adhésion de notre esprit à un système quelconque change l'aspect et la signification des phénomènes observés par nous. De tous temps, l'humanité s’est contemplée à travers des verres colorés par des doctrines, des croyances et des illusions. Ce sont ces notions fausses ou inexactes qu'il importe de supprimer. Comme l'écrivait autre fois Claude Bernard, il faut se débarrasser des systèmes philosophiques et scientifiques comme on briserait les chaînes d’un esclavage intellectuel. Cette libération n'est pas encore réalisée. Les biologistes, et surtout les éducateurs, les économistes et les so-