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L'HOMME, CET INCONNU

comité de savants. Les synthèses dont nous avons besoin pour le progrès de la connaissance de nous-mêmes doivent s’élaborer dans un cerveau unique. Aujourd’hui, les données accumulées par les spécialistes demeurent inutilisables. Car personne ne coordonne les notions acquises, et n’envisage l'être humain dans son ensemble. Nous possédons beaucoup de travailleurs scientifiques, mais très peu de vrais savants. Cette singulière situation ne vient pas de l'absence d'individus capables d’un grand effort intellectuel. Certes, les vastes synthèses demandent beaucoup de puissance mentale et une résistance physique à toute épreuve. Les esprits larges et forts sont plus rares que les esprits précis et étroits. Il est facile de devenir un bon chimiste, un bon physicien, un bon physiologiste, ou un bon psychologiste. Seuls, des hommes exceptionnels sont capables d'acquérir une connaissance utilisable de plusieurs sciences à la fois. Cependant de tels hommes existent.

Parmi ceux que nos institutions scientifiques et universitaires ont obligés à se spécialiser trop étroitement, certains seraient capables de saisir un grand sujet dans son ensemble en même temps que dans ses parties. Jusqu'à présent, on a toujours favorisé les travailleurs scientifiques qui se cantonnent dans un champ étroit, et se consacrent à l'étude prolongée d’un détail souvent insignifiant. Un travail original sans importance est considéré comme ayant une valeur supérieure à la connaissance approfondie de toute une science. Les présidents d’universités et leurs conseillers ne comprennent pas que les esprits synthétiques sont aussi indispensables que les esprits analytiques. Si la supériorité de ce type intellectuel était reconnue, et si on favorisait son développement, les spécialistes cesseraient d’être dangereux, Car la