Page:L'homme, cet inconnu.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
LA SCIENCE DE L’HOMME

rière, à une partie minuscule du corps, il reste tellement ignorant du reste qu’il n’est pas capable de bien connaître cette partie. Un phénomène analogue se produit chez les éducateurs, les prêtres, les économistes, et les sociologistes qui ont négligé de s’initier à une connaissance générale de l’homme, avant de se limiter à leur champ particulier. L’éminence même d’un spécialiste le rend plus dangereux. Souvent, des savants qui se sont distingués de façon extraordinaire par de grandes découvertes ou par des inventions utiles, arrivent à croire que leur connaissance d’un sujet s’étend à tous les autres. Édison, par exemple, n’hésitait pas à faire part au public de ses vues sur la philosophie et la religion. Et le public accueillait avec respect sa parole, se figurant qu’elle avait, sur ces sujets nouveaux, la même autorité que sur les anciens. C’est ainsi que de grands hommes, en enseignant des choses qu’ils ignorent, retardent, dans un de ses domaines, le progrès humain auquel ils ont contribué dans un autre. La presse quotidienne nous entretient souvent des élucubrations sociologiques, économiques et scientifiques d’industriels, de banquiers, d’avocats, de professeurs, de médecins, etc., dont l’esprit trop spécialisé est incapable de saisir, dans leur ampleur, les grands problèmes de l’heure présente. Certes, les spécialistes sont nécessaires. La science ne peut pas progresser sans eux. Mais l’application à l’homme du résultat de leurs efforts demande la synthèse préalable des données éparses de l’analyse.

Une telle synthèse ne peut pas s’obtenir par la simple réunion des spécialistes autour d’une table. Elle réclame l’effort, non d’un groupe, mais d’un homme. Jamais une œuvre d’art n’a été faite par un comité d’artistes, ni une grande découverte par un