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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/107

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LES RAGIONAMENTI

venaient regarder jouter l’un et l’autre, et le jour du tournoi il comparaissait pontificalement vêtu d’une jaquette semée de paillettes dorées, en velours violet à poils longs et courts, non rasé, cette espèce de velours ne se rasant pas, coiffé d’une toque en assiette, le manteau de drap rouge fourré de vair, le capuchon de brocart d’argent, pareil à ceux que portaient jadis à leurs manteaux les écoliers, l’épée au côté, une épée pointue au pommeau de laiton, dans une gaine antique. Après avoir fait deux fois à pied le lour de la lice avec une vingtaine de va-nu-pieds derrière lui, armés d’arbalètes et de hallebardes, composés partie de ses laquais, partie de gens ramassés sur son domaine, il montait sur une vieille haquenée au ventre plein de son, que cent mille paires d’éperons, pas plus qu’une seule, n’auraient décidée à sauter une enjambée, et se resserrait de frayeur quand il entendait sonner son tour de bataille. Ces jours-là, il tenait sous clef sa femme ; le reste du temps, ce chien du jardinier, à l’église, aux fêtes, partout, lui flairait la queue. Au lit, il lui contait ses prouesses du temps qu’il était soldat, et lui narrant une bataille où il avait été fait prisonnier, il imitait avec la bouche jusqu’au tuff ! taff ! des bombardes, en se démenant au lit comme un possédé. La pauvrette, qui avait bien meilleure envie de jouter avec la lance nocturne, se désespérait ; quelquefois, de dépit, elle le faisait marcher à quatre pattes par terre, et, lui mettant une ceinture dans la bouche, en guise de bride, grimpait sur son dos, l’éperonnait à coups de talons et le poussait en avant comme lui-même menait

    La potta, la nature des femmes.

    Modona, Modène.

    Madonna, à peu près Madame.

    Ce jeu de mots est intraduisible.

    Peut-êlre s’agit-il de Modon ou Modone, port important en Morée et sur lequel Venise avait des droits ; beaucoup de Vénitiens l’habitaient.

    Cette ville était le siège d’un archevêché. Les pèlerins qui allaient de Venise en Terre Sainte y faisaient escale. On y conservait, à l’église Saint-Jean, le corps de Saint Léon et le chef de saint Anastase, évêque. Mais y eut-il jamais de podestat à Modone ?