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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/167

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LES RAGIONAMENTI

délibérer d’échapper à la chaude maison. Mes péchés ne sont pas loin d’être aussi grands que la miséricorde divine, et c’est pourquoi, mes frères, c’est pourquoi, mes fils, je veux ensevelir entre quatre murs cette misérable chair, ce misérable corps, cette misérable vie. » À ces mots, les sanglots des pauvrets leur remontèrent à la gorge, comme ils font à celle des dévots qui ne peuvent retenir leurs soupirs quand le Prêtre entame la Passion. Je continuai : « Plus d’ornements, plus de parures, plus rien ; pour chambre bien meublée, j’aurai l’étroit espace d’une cellule toute nue ; pour lit, une brassée de paille sur une planche ; pour manger, la grâce de Dieu ; pour boire, l’eau du ciel ; pour robe lamée d’or, ce que voici… » Je tirai de dessous moi un cilice on ne peut plus rude, sur lequel j’étais assise, et le leur montrai. Si tu te souviens des lamentations que font en gémissant les bonnes âmes quand on leur montre la Croix, au Colisée, tu vois et tu entends d’ici les lamentations de mes adorateurs qui, de douleur suffoqués, ne parlaient qu’avec leurs larmes. Quand j’ajoutai : « Mes frères, pardonnez-moi ! » ce fut un tumulte pareil à celui qui s’élèverait dans Rome si elle était une seconde fois mise à sac, ce dont Dieu nous garde ! L’un d’eux s’agenouilla à mes pieds, et ne réussissant à rien avec ses préambules, il se releva et alla donner une vingtaine de fois de la tête contre le mur.

Antonia. — Quel dommage !

Nanna. — Enfin, arriva le matin où je devais être mise entre quatre murs ; tu aurais juré que Rome entière se trouvait dans la chapelle du cimetière, et en rassemblant toutes les foules qui jamais vinrent voir baptiser des Juifs, on n’arriverait pas au quart. Sois aussi bien sûre que ceux qui doivent être pendus le lendemain, et ceux qui vont se battre n’éprouvent pas plus de déplaisir que n’en éprouvaient mes amoureux. Mais que te vais-je promener sur les cimes des arbres ? Je fus murée au milieu des rumeurs de toute l’assistance. L’un disait : « Dieu lui a touché le cœur. » L’autre : « Elle donne le bon exemple à ses pareilles. » Et d’autres : « Qui l’aurait jamais pensé ? » Il y