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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/72

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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

ménagères, le braillard ! La bénédiction donnée avec (tu m’entends bien ?) un des machins de verre, long de trois empans, il descendit. Pour se rafraîchir, il faisait du vin ce que les chevaux font de l’eau, et dévora les pâtés avec la voracité d’un baudet broutant des sarments. On lui donna plus de cadeaux que toute une parenté à qui chante sa première messe, ou une mère à sa fille qui se marie. Lui parti, chacun se mit à s’amuser qui d’une façon, qui d’une autre. Je retournai dans ma chambre et je n’y étais pas depuis longtemps quand j’entendis frapper à ma porte ; j’ouvre et voici le petit domestique du Bachelier qui, avec une révérence courtisane, me présente un paquet enveloppé et une lettre pliée en forme de ces flèches empennées à trois angles, ou, pour mieux dire, comme ces fers qui sont au bout des flèches. La suscription disait… Je ne sais si je me rappellerai les propres termes… Attends… oui, oui, elle disait ceci :

Que ces simples paroles
Séchées par mes soupirs, écrites avec mes pleurs,
Soient mises en paradis dans les mains du Soleil !

Antonia. — Oh ! Excellent !

Nanna. — Dedans était un bavardage, d’un long, d’un long ! Cela commençait par mes cheveux que l’on avait coupés à l’église. Il disait qu’il les avait recueillis et s’en était fait faire une chaîne de cou ; puis que mon front était plus pur que le ciel ; il comparait mes sourcils à ce bois noir dont on fait les peignes, et d’après lui mes joues faisaient honte au lait et à la crême ; il égala mes dents à une enfilade de perles et mes lèvres à des fleurs de grenade ; et faisant un grand poème sur mes mains, il loua jusqu’à mes ongles ; ma voix était semblable au cantique Gloria in excelsis ; et arrivant à la poitrine, il en disait merveilles et qu’elle portait deux pommes bien séparées, pareilles à de la neige. Enfin, il se laissait glisser jusqu’à la fontaine, disant y avoir bu indignement, et affirmait qu’elle distillait du manuschristi[1], et que

  1. Sorte de pâtisseries, de bonbons ou de pastilles sirupeuses dont la pâte demandait à être longuement travaillée avec les mains, et comme il était fatigant de la pétrir, on disait en le faisant une sorte