Page:Léo - Coupons le Câble !, 1899.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le principe de l’ordre ancien — où nous vivons encore, en bataille perpétuelle avec le nouveau — était précisément le contraire. La philosophie sociale n’a que deux termes : l’individu et la collectivité. C’était le droit social, ou plutôt la raison d’État, dérivée du droit divin, qui régnait sur l’esprit des hommes ; la prépondérance de l’ensemble sur l’unité, de l’être collectif sur l’individu. Cette conception qui, à première vue, semble légitime, est radicalement fausse. Voici pourquoi :

Parce que l’humanité n’a pas d’existence en dehors de l’individu. Parce que, dans cette donnée, l’intérêt factice de la collectivité écrase les individus ; et que là où l’individu est opprimé, c’est l’Humanité qui souffre.

L’Humanité, dans l’individu, a des impressions qui lui viennent de sa force collective, c’est-à-dire des forces individuelles accumulées et de leurs effets. Elle souffre, ou jouit, par le fait de sa collectivité ; mais la collectivité elle-même ne peut avoir ni souffrance ni jouissance, parce qu’elle n’apprécie et n’existe réellement qu’à l’état individuel, et qu’en aucun cas les facultés, les impressions qu’elle produit, si vives et générales qu’elles soient, ne peuvent s’exercer en dehors des individualités.

Il faut se dire ceci, afin de comprendre que toute injustice, toute injure faite à un humain est une injure faite à l’humanité : que tout bien fait à un individu est une bénédiction sur notre race. Nous sommes loin encore de ce sentiment ; chacun de