Aller au contenu

Page:Léo - Jean le sot.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle n’eut pourtant pas le courage de le gronder davantage, en le voyant accommodé de la sorte, et se contenta de pleurer elle-même sur le sort qu’elle s’était fait en prenant un pareil mari.

— Il fallait le trainer par une corde derrière toi, dit-elle seulement.

— C’est bien, répondit le malheureux ; une autre fois, je ferai ainsi.

Et le lendemain, en effet, quand elle l’envoya prendre chez le marchand une terrine, il eut soin de se munir d’une ficelle, et l’ayant attachée autour d’une des anses, il traina la terrine derrière lui. Ayant arrangé cela, il tomba le long du chemin dans ses lubies ordinaires, qui lui donnaient un air tout rêveur, et pendant lesquelles le peu d’esprit humain qu’il avait s’allait promener on ne sait où. Ses pas l’ayant ainsi ramené près de sa femme, il s’arrêta près d’elle avec son air ébaubi.

- Eh bien, demanda-t-elle, tu ne rapportes pas ma terrine !

- Si bien, dit-il, en tirant triomphalement la ficelle posée sur son épaule. Mais l’ayant tirée jusqu’au bout, il vit qu’il n’y restait plus que l’anse attachée, et ne put imaginer comment cela s’était fait.

- Je l’avais pourtant mise là toute entière, murmura-t-il, en vérité, je n’ai pas de chance !

- Pas de chance ! cria la femme : c’est moi qui n’en ai pas, de me voir liée à quelqu’un si bête qu’il n’a d’homme que la figure, et que notre chat on notre chien cut- sont été plus dignes que lui du baptême.

Sur cette injure, la plus dure assurément qu’on puisse faire à un chrétien, le pauvre Jean se mit à pleurer amèrement ; et s’allant cacher en un coin du jardin, près de la fontaine, il se lamenta de sa triste