Page:Léo - Jean le sot.djvu/33

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destinée.

Il était là depuis longtemps et se sentait le cœur de plus en plus gros ; car il y avait pourtant des choses, celles qu’on n’apprend pas, qu’il sentait aussi bien qu’un autre, et il voyait trop que son absence n’inquiétait personne, et que nul n’avait souci de lui.

- Ils disent tous que je ne suis bon à rien, pensait-il, en pleurant des larmes chaudes. Est-cs donc ma faute ! Pourtant, je les aime de tout mon cœur ; mais cela ne leur fait rien !

Comme il se plaignait ainsi, un homme qui passait dans la ruelle, derrière le jardin, l’entendit, et franchit le passage dans la haie pour venir à lui. La nuit déjà s’était faite, mais la lune brillait d’une belle clarté.

- C’est toi, Jean le Sot ! Et que fais-tu là ?

Celui qui parlait ainsi était le docteur du village, un homme très savant, puisqu’on ne pouvait lui faire une question qu’il n’y répondit sans hésiter. Lui-même se tenait pour un personnage de grande valeur, et il guérissait, disait-il, tous les malades, excepté ceux que Dieu voulait absolument appeler à lui. Et plus d’une fois il parut, à ce dire, que le bon Dieu tenait à la société d’un grand nombre des gens de ce village ; mais enfin, ces raisons-là sont bonnes à donner, car on ne saurait aisément prouver le contraire. Jean, comme tous ceux qui ont le chagrin profond, sentait une sorte de honte de montrer sa peine à un étranger. Aussi répondit-il :

- Je regarde la lune.

— La lune ! dit le docteur, qui même vis à vis d’un pauvre homme comme celui-là, aimait à faire le savant, sais-tu seulement ce que c’est !