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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/138

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UN DIVORCE

La petite heimathlose commençait à se troubler et jetait des regards effarés sur les murs de la chambre.

— Tiens ! qu’est-ce que c’est que cette fille-là ? s’écria madame Fonjallaz, qui venait d’entrer un bougeoir à la main. Quelqu’une de vos farces, monsieur Sargeaz ?

Elle se mit à rire aux éclats quand Étienne lui eut raconté la rencontre de l’heimathlose et l’étrange obstination de cette jeune fille à le suivre.

— Eh bien ! vous faites là de belles trouvailles ! Mais est-elle drôle, cette créature ! Que voulez-vous que j’en fasse, moi ! Vous savez que je ne loge pas, et surtout de pareil monde !

Cette brusquerie de langage, qui chez toute autre eût été désagréable, ne déplaisait pas chez madame Fonjallaz ; car elle était si jolie et si gracieuse, malgré tout, qu’elle donnait à toutes ses paroles, comme à tous ses actes, le charme particulier dont elle semblait imprégnée. Depuis son mariage, elle avait acquis encore plus d’aplomb ; mais cela lui seyait très-bien. C’était une créature, dans sa donnée, complète et forte. Sa mise était pleine d’élégance.

En arrivant, elle avait posé la bougie sur une table, près de laquelle elle se tint debout ; la lumière faisait ressortir les contours arrondis de son buste court, mais gracieux, glissait sur son visage, dont elle changeait en blanc mat les fraîches couleurs, et s’écartant de ses yeux de velours noir, dont elle ne pouvait pénétrer les profondeurs, caressait les ondulations de ses cheveux, et jouait dans les rubans roses d’un petit bonnet, coquettement posé en arrière.

— D’abord, dit Étienne, faites donner à souper à cette pauvre fille ; puis, si vous ne voulez pas absolument la coucher, il me faudra bien la conduire à l’auberge la