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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/148

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UN DIVORCE

La tante Charlet, qui possédait le remède à tous les maux, le porta à Claire sous la forme de petits livres intitulés : Chemin du salut, Conseils aux âmes réveillées, Dictame céleste, etc.

Madame Pascoud n’y comprenait rien. Claire avait une belle fortune, un mari superbe, une bonne table et un si joli appartement ! Elle le lui avait dit à sa première visite : « Ma chère, on ne peut pas s’ennuyer là-dedans. » Il fallait que ce fût la grossesse qui lui donnât des humeurs noires.

Fanny, depuis quelque temps devenue madame Renaud, prétendait que la seule cause de la mélancolie de Claire, c’est qu’elle ne prenait pas de distraction et ne visitait plus ses amies. Qu’y avait-il de plus attristant que de rester toujours avec soi-même ?

En conséquence de cette opinion, Fanny se rendit chez Claire.

Celle-ci était, comme à l’ordinaire, mélancoliquement assise dans l’embrasure d’une fenêtre du salon, vis-à-vis de sa petite table, où reposaient avec ses broderies plusieurs des livres et brochures dispensés par la tante Charlet. Elle lisait un de ces livres, qui lui conseillait comme les autres, d’un style pareil et avec les mêmes arguments, de n’aimer personne qu’elle-même, et de se consacrer tout entière à son salut, en lui prouvant qu’il n’y avait d’admirable que l’invisible, que l’incompréhensible seul était aimable, et qu’on ne devait se fier qu’à l’inconnu, ces choses seules étant réelles, tandis que toutes les autres n’étaient que des fantômes ; l’amour une folie des sens, la vie une ombre, le siècle un instant.

Claire lisait ces choses très-ponctuellement, l’oreille tendue aux bruits extérieurs, et elle tournait les pages