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UN DIVORCE

Elle s’arrêta pour prêter l’oreille : une clef tournait dans la serrure de la porte d’entrée. Ce ne pouvait être que M. Desfayes. Elles reconnurent en effet son pas dans le corridor ; mais il ne vint pas jusque dans le salon, et l’on entendit une autre porte s’ouvrir et se fermer.

— Je vais voir, dit Claire, qui était devenue fort pâle.

Elle sortit un moment, puis revint encore plus émue, en disant bas à Mathilde :

— Ils sont là, dans la salle à manger, tous deux.

— Que t’importe ? Calme-toi. Ta jalousie se trompe peut-être ?

— Eh bien ! non, dit la jeune femme, dont les lèvres blanchissaient, non, je ne me trompe pas. J’ai vu et entendu des choses qui ne semblent rien… comme cela… quand on les raconte, mais qui cependant signifient beaucoup. Et maintenant je suis sûre qu’il y a quelque chose entre eux. L’autre jour, au spectacle, d’une loge à l’autre, ils ne faisaient que se regarder, et à la fin il est allé, en ayant l’air de chercher quelqu’un, jusqu’auprès d’elle. Beaucoup de personnes les regardaient et riaient. J’ai vu cela, moi. On me regardait aussi… Je souffrais !… Et cette femme… son visage en lui parlant… Il faut qu’elle soit folle, cette créature !… Puis encore tant d’autres choses !… On ne peut pas tout dire, vois-tu… mais…

— Mais tu viens de m’affirmer tout à l’heure que tu croyais ton mari incapable…

— Tout à l’heure, oui ; à présent, je crois le contraire… Quand je pense que cette femme est là… qu’ils se parlent… Tiens, il faut que j’aille écouter ce qu’ils se disent ; je n’y tiens plus.

— Claire !… ce serait de l’espionnage ; c’est indigne de toi. J’aimerais mieux, à ta place, entrer hardiment,