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UN DIVORCE

Il sortit, en recommandant qu’on l’envoyât chercher à son bureau dès qu’il surviendrait quelque changement dans l’état de la malade. Sa présence oppressait Claire, qui détournait les yeux pour ne pas le voir. Mais, quand il fut parti, elle pleura beaucoup.

Il n’y avait en elle qu’un sentiment et qu’une pensée, à l’état douloureux : « C’est pour lui que je souffre et il m’a trahie ! Cet enfant naît de nous deux, et nous ne nous aimons plus ! » Il s’y joignait encore cette question ardente : « L’enfant vivra-t-il ? »

Assise à côté de sa fille et lui tenant la main, la bonne madame Grandvaux lui adressait de temps en temps, à mi-voix, de ces encouragements affectueux qui, sans pénétrer l’esprit, bercent l’oreille et le cœur. Anna allait et venait, répandant de la vie dans la chambre, rafraîchissant l’âme et les yeux de Claire de son doux visage et de ses tendres regards, et disant mille choses qui la distrayaient et endormaient pour un instant sa souffrance.

Il y avait aussi la sage-femme, une quinquagénaire calme et rebondie, qui lâchait, d’un ton dolent et d’un air capable, les avis tout faits d’une personne qui connaît le monde et son état.

Le jour tout entier s’écoula pour Claire dans ce débat solennel entre la mort et la naissance, dans ces âpres et énervantes douleurs qui épuisent les forces de ceux mêmes qui en sont témoins.

Le soir était venu. La lampe, surmontée d’un abat-jour, éclairait la chambre d’une discrète lueur. Les bruits de la rue n’arrivaient que par sons vagues, au travers des volets fermés et des grands rideaux de perse rose, qui, détachés, tombaient dans toute leur longueur du plafond jusqu’au plancher. Un feu clair, accosté d’une bouilloire