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UN DIVORCE

gueil et la joie de Claire, et ne voyait là que les manifestations d’un égoïsme.

Elle, ne répondait pas, mais tout son cœur se gonflait de courroux et de mépris. Certainement il voulait vivre, le cher enfant ; oui, grâce à Dieu ; il en avait le droit, et, pour le faire obéir, un langage énergique de commandement, de désespoir, de prière, mieux encore sa faiblesse et sa grâce touchantes ; mais l’instinct de la conservation n’est pas de l’égoïsme, et quand il buvait lentement, l’œil attaché sur l’œil de sa mère, et qu’il s’interrompait tout à coup pour lui adresser ce naïf et large sourire, où tout le cœur de l’enfant s’épanouit, Claire voyait bien qu’il l’aimait, elle, sa mère, et que ce n’était pas là de l’égoïsme, sinon l’égoïsme transformé qui se nomme amour.

Elle avait eu beaucoup de peine à pouvoir le nourrir. Les premiers jours, il était si faible qu’il ne pouvait opérer une succion suffisante, et qu’elle avait dû, penchée sur lui des heures entières, presser de ses doigts et faire tomber goutte à goutte le blanc liquide sur les lèvres de l’enfant. Puis, il avait eu des crises, pendant lesquelles il se tordait, criait à perdre haleine, et devenait noir, comme s’il allait suffoquer. Le médecin avait ordonné des sirops et des frictions. Claire y joignait des appels touchants et mille tendresses, et elle avait deviné comment le tenir pour qu’il souffrît moins, et, quand la joue du petit était collée contre celle de sa mère, et que leurs larmes se mêlaient, il criait moins fort.

Elle n’avait plus guère de pensées que pour son enfant, tant il l’occupait. Cependant, au fond de son âme, comme une douleur sourde, vivait le souvenir de la trahison de son mari, et parfois elle pleurait en y pensant.

Quant à M. Desfayes, depuis deux mois il habitait