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UN DIVORCE

— Pas ces choses-là, Ferdinand ; pas ces choses, répondit-elle avec une vive émotion ; mais il en est d’autres…

— D’autres… Il n’y faut plus penser.

— Elles m’ont brisé le cœur.

— Voilà bien une expression de femme, répliqua-t-il avec impatience. Le cœur ne se brise pas, ma chère, et il recommence à aimer toutes les fois qu’il veut. Ne disons pas de grands mots, va !

Il passait le bras autour d’elle ; mais elle le repoussa en disant :

— Ce n’est pas une petite chose qui s’est passée ! Je n’ai plus de confiance en toi.

— Vous avez tort, reprit-il avec colère ; vous avez tort de le prendre sur ce ton avec moi. Vous êtes ma femme ; vous me devez respect et obéissance. Vous voudriez faire la petite reine. Vous voudriez qu’on se mît à vos genoux pour obtenir grâce. Vous n’y réussirez point. Ce n’est pas avec sa femme qu’on fait de ces choses-là. — Vous avez tort, s’écria-t-il encore, avec une irritation nouvelle. Tout cela est fort ridicule, et vous vous en repentirez !

Claire, tremblante, n’osait répondre, quand Louise entra pour annoncer que le souper était servi.

Ferdinand mangea et but avec emportement, et sortit ensuite, en disant très-haut qu’il allait au café Fonjallaz. Claire, seule, retomba dans toutes les tortures de la jalousie. Elle craignait aussi d’avoir mal agi ; car elle possédait en elle-même si peu de certitude… Mais recevoir dans ses bras l’amant de madame Fonjallaz, oh ! non ; tout son être se révoltait à cette pensée ; elle aimait encore Ferdinand et sentait qu’une lâcheté pareille serait la mort de tout entre eux. Combien elle avait souffert déjà