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UN DIVORCE

yeux attachés sur sa cousine, oui, tu as raison. Je sentais bien un peu tout cela moi-même ; mais on nous dit tant qu’il faut obéir à nos maris !… En effet, ils nous méprisent alors comme des êtres inférieurs, et quand on méprise, on n’aime plus. Oui ! je comprends très-bien à présent… Mais sont-ils lâches !… Oh ! qui que ce fût qui m’aimât, ne fût-ce qu’un ver de terre, moi, je l’aimerais…

L’arrivée de madame Grandvaux interrompit la conversation. Elle apportait le petit Fernand, qu’elle avait pris des bras de sa bonne à la promenade. L’enfant arrivait en grommelant, et ses accents, aussi bien que des paroles, réclamaient sa mère, dans les bras de laquelle il tomba, en redoublant ses cris d’impatience et de désir.

— Eh ! que ce petit est extraordinaire, s’écria madame Grandvaux en se laissant tomber sur une chaise. Quand il a eu commencé de vouloir revenir, plus moyen de lui faire entendre autre chose. C’est merveilleux, toute la connaissance qu’il a ; tant que j’allais du côté de la maison, il ne disait rien ; mais, si je me retournais d’un autre côté, il se remettait à crier. Quel enfant ! si petit, et déjà cela vous mène !

Il eût fallu voir pendant ce discours la figure de Claire ; elle écoutait de toute son âme, les lèvres entr’ouvertes, le cou tendu… Puis elle sourit et regarda l’enfant d’un air inexprimable.

— Et comment va ce pauvre Étienne ? demanda madame Grandvaux en s’adressant à sa nièce.

— Comme à l’ordinaire, ma tante, répondit Mathilde froidement.

— Et son cirage ?

— Cela, je l’ignore.