Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
UN DIVORCE

— C’est pourtant assez inquiétant, car il a fait là une grande folie ; ma sœur est tout aux abois.

— Ma tante en fait effectivement beaucoup de bruit, ce qui, la chose étant faite, est plus qu’inutile.

— On ne peut pourtant pas prendre cela froidement. C’est un garçon qui se perd. Malgré ta philosophie, je suis bien sûre que tu ne l’approuves pas. Anna est toute bouleversée. Elle dit cependant que ça pourrait réussir ; car elle a envoyé chercher par Jenny de ce cirage, et elle le trouve bon. Mais, en attendant, je ne sais pas de quoi il vit. Est-ce qu’il est toujours avec cette fille ?

— Oui, ma tante.

— Je pense que tu as dû écrire de cela à ton père. Une pareille chose ne peut pas durer ; il y aurait des mesures à prendre.

— Mon père n’en veut prendre aucune, dit Mathilde avec raideur. Il trouve que l’union de mon frère avec cette fille est aussi sacrée que si elle était de celles qu’on nomme légitimes, et il se défend d’y toucher.

— Vraiment ! s’écria Claire ; et sa figure comme celle de madame Grandvaux exprimait un vif étonnement.

— Oh ! ton père a toujours eu des idées extraordinaires, dit madame Grandvaux. C’est un bien digne homme ; mais j’ai entendu dire par plus d’une personne qu’il n’avait pas le cerveau… fait comme les autres… quoique ce soit un homme d’un grand talent… Comme cela, il laisse ce pauvre Étienne faire tout ce qu’il veut ?

— Mon père croit, ma tante, qu’il n’y a rien d’efficace et de vrai que par la raison et la liberté. La verge de l’autorité ne lui a jamais semblé bonne qu’à faire des esclaves ; et vous savez avec quelle douceur il nous a élevés tout enfants.