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UN DIVORCE

— Eh bien, ça ne lui a pas tant servi… du moins pour Étienne, se hâta d’ajouter madame Grandvaux.

— Il y a très-peu de personnes capables de juger mon père, dit Mathilde avec dédain, en nouant sous son menton les rubans de son chapeau. Je ne suis pas moi-même toujours de son avis ; mais il m’inspire tant de respect que je ne puis souffrir d’entendre discuter ses actes. Tout ce que je vous dirai, ma tante, pour vous rassurer, c’est qu’il n’abandonne pas Étienne et fera pour lui tout ce qui est possible, mais sans lui permettre de s’abandonner lui-même.

— On ne peut lui parler de rien sans la fâcher, observa madame Grandvaux quand Mathilde fut partie. Je ne lui ai pourtant dit que ce que tout le monde pense. Elle a un caractère bien étrange pour une femme. Mais il faut dire que mon pauvre beau-frère l’a voulu ainsi. C’est lui qui a élevé cette petite, et il ne pouvait s’en passer, jusqu’à lui apprendre la géométrie !

— Ce que je ne comprends pas, dit Claire, c’est que mon oncle et ma tante vivent ainsi loin de leurs enfants. Ne pourraient-ils pas revenir ou les appeler auprès d’eux ?

— Oh ! pour leur éducation, il paraît qu’elle n’aurait pu se faire là-bas aussi bien qu’ici ; et dans la maison où est ton oncle, on n’aurait pas voulu de ses enfants. Ces gens-là sont presque des princes, à ce qu’il paraît. Mathilde nous disait encore l’autre jour que l’aîné des jeunes gens est un esprit extraordinaire. Quant à revenir ici, ce ne serait pas avantageux pour Sargeaz. Il ne retrouverait pas facilement la place qu’il a quittée.

— Il a eu tort de s’expatrier. S’il était resté près de ses enfants…

— On ne peut pas trop le blâmer : il avait de grands