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UN DIVORCE

suis sûre, et je sais aussi pourquoi il est né susceptible et nerveux comme cela. Je le sais ! (répéta-t-elle en lançant à quelqu’un d’invisible un regard de haine). S’il tombait jamais en d’autres mains que les miennes, excepté celles d’Anna, mon enfant serait perdu.

M. Desfayes affecta de mépriser ce que disait sa femme, et, continuant de se plaindre du changement de l’humeur de Claire, il dit quelques mots piquants sur le désappointement qu’on éprouvait, après avoir cru épouser une jeune fille douce et gaie, de se trouver en présence d’une femme maussade ou acariâtre ; Claire répondit avec aigreur, et Anna eut bien de la peine à les empêcher de se fâcher.

S’en revenant le soir, tout affligée de ces discussions, qui n’étaient pas les premières, elle se demandait naïvement pourquoi le mariage, parmi les hommes, est chose si universellement acceptée, et si peu goûtée, à la fois ; pourquoi l’on se marie tant, quand il est si rare de s’unir ? Elle entrevit cette force des choses morales qui mène l’homme, bien que non comprise par lui. Le monde est plein de temples, bâtis pour des dieux qui n’y résident pas.