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UN DIVORCE

Tenez, l’autre jour, en plaisantant avec sa mère, je courus sur elle, la main levée, comme pour la frapper, et la secouai un peu. Fernand ne crut-il pas que je la battais ? Il se jeta en criant sur moi, se mit à me mordre, et puis il tomba dans des convulsions.

— C’est précisément parce qu’on a trop développé en lui la sensibilité ; les enfants sont ce qu’on les fait. Je veux, Dieu aidant, que Dieudonné se passe de caprices. Empêche-le donc de toucher à tout comme ça, ajouta le ministre en s’adressant à sa femme, qui laissait l’enfant rouler un verre dans ses mains.

Madame Boquillon ayant obéi, l’enfant se mit à pousser des cris, avec une force de poumons déjà si remarquable qu’on n’y put tenir ; il fallut l’emporter à la cuisine, où Julie, à laquelle on le confia, ne parvint à l’apaiser qu’en mettant à sa disposition tous les ustensiles du ménage.

— À propos des Grandvaux, dit M. Renaud, j’ai appris hier de Monadier une curieuse histoire. Vous savez que, après leur malheureuse entreprise de cirage, quand le pauvre Étienne Sargeaz a fait ce coup de désespoir de s’engager au service de Rome, il avait laissé des dettes assez nombreuses. Sargeaz le père, qui est en Russie, a prié son beau-frère Grandvaux de les liquider. Vous ne devineriez pas ce qu’a fait le vieux ladre ? À force de roueries, de taquineries, de menaces et de tous les trucs qu’il possède, il est venu à bout de faire consentir chacun des créanciers à réduire sa créance, qui d’un quart, qui d’un huitième, tout en donnant quittance du tout. Mais ça ne l’a pas empêché, lui, de régler avec son beau-frère sur le pied des notes intégralement acquittées, ce qui lui a constitué pour cette petite opération un fort joli bénéfice. Monadier, s’étant aperçu de l’affaire pour