Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
UN DIVORCE

pour proposer quelques mets à ses convives, et veiller au service avec l’attention d’un humble fonctionnaire pénétré de ses devoirs. Claire était pensive ; Camille, par éclairs, lançait des boutades et des sarcasmes, dont Ferdinand riait beaucoup, ce qui irritait encore le jeune peintre.

— Qu’avez-vous donc ? lui dit à demi-voix la petite Anna en se penchant à son oreille. Vous n’êtes pas aimable comme à l’ordinaire.

— Je vous remercie de m’en avoir averti, répondit-il de même.

Il s’efforça de reprendre sa bonne humeur, mais l’âpreté perçait de toutes parts dans sa parole. Au dessert, les dames se levèrent de table, comme en Angleterre, et Ferdinand Desfayes et M. Grandvaux continuèrent de parler banque, affaires et marchés, tout en fumant de longs cigares et en dégustant de nouvelles bouteilles. Camille n’y put tenir et s’enfuit au salon.

— Quels pleutres que ces Français ! dit le père Grandvaux en haussant les épaules. Ça n’est bon qu’avec les femmes.

— Oui, mais ils les gâtent, observa Ferdinand d’un air profond.

— C’est vrai ! c’est vrai ! Ils ont trop d’attentions et de politesses, et ils leur feraient croire aisément qu’elles sont plus qu’elles ne sont. Oh ! ça ne m’inquiète pas pour mes filles ; elles sont douces et souples comme de petites chattes, Claire surtout ; car l’autre, il faut bien avouer qu’elle a sa petite idée et qu’elle me fait faire tout ce qu’elle veut. Mais, avec l’aînée, jamais le moindre raisonnement, une douceur d’ange. Elle connaît bien ses devoirs, celle-là, et ce n’est pas elle qui cherchera jamais à en remontrer à son mari. Ah çà ! monsieur Des-