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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/39

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UN DIVORCE

En ce moment, elle parlait d’un accent incisif et avec des gestes animés à Claire, qui l’écoutait la tête penchée, un peu boudeuse, en roulant sous son pied de vieilles gousses craquantes de hêtre.

— Non, je ne comprendrai jamais cela, se marier avec un homme qu’on ne connaît pas !

— Ce n’est pourtant pas un étranger, dit Claire d’un petit ton mécontent ; il est du pays, tout le monde le connaît, et ton frère est son camarade.

— En sorte que tu pourrais épouser n’importe quel homme du pays, n’importe quel camarade d’Étienne ? Je ne me serais jamais imaginé que le choix d’un mari fût chose si facile.

La belle fille, un peu étourdie par cette attaque, voulut riposter en attaquant à son tour.

— Mais, ma chère, tu sais bien que je ne suis pas aussi sublime que toi. Je ne me suis jamais piquée, moi, de faire autrement que tout le monde. J’ai confiance en mes parents, et je fais tout bêtement ce qu’ils m’ordonnent.

— Je ne me pique pas de sublimité, mais seulement de respect pour moi-même et de raison. Tu crois donc n’avoir rien à faire de la tienne ?

— Pardon, je dois m’en servir pour la soumettre à l’obéissance.

— Oh ! ma chère enfant, n’évoque pas ainsi ton catéchisme ! à moins que tu ne veuilles me mettre en fuite, sachant combien je hais les non-sens et les absurdités. Tu me fais de la peine, absolument comme si je te voyais dans un passage dangereux de nos montagnes fermer volontairement les yeux. Je ne te presse pas absolument de désobéir à ton père, si tu tiens à ne pas le faire, mais tu pourrais demander le temps de connaître ce prétendu.