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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/412

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UN DIVORCE

— Il est impossible que vous perdiez votre cause, reprit-il vivement ; elle est trop simple et trop évidente. Moi, si vous m’aimez, je me regarde déjà comme votre mari, dans trois ans. Ne le voulez-vous pas ? Je vous aime depuis si longtemps ! J’ai tant souffert de vos souffrances, je suis si assuré de vous donner du bonheur, puisqu’il ne vous faut, ma chérie, que beaucoup d’amour ! je suis pénétré de tout cela, que je ne songe pas même que je vais être accusé de convoiter votre fortune. D’ailleurs, je n’ai jamais compris que de pareilles considérations pussent arrêter deux amants véritables. En présence de l’amour, c’est trop peu de chose. Je vous ai donné ma foi, mon cœur, et ma vie ; je puis bien vous donner par-dessus le marché l’opinion publique, et cet honneur de hasard, dont la dent venimeuse du premier passant peut m’enlever des morceaux à son loisir. Vois-tu, hors de la confiance, il n’y a que doute, impuissance, ténèbres. Avez-vous confiance en moi, Claire ? Tout est là. Dites-moi quel est le jour où j’ai commencé de vous aimer ?

Elle sourit doucement, et, fixant dans le rêve ses beaux yeux, elle chercha. Il poursuivit :

— Car l’attrait que vous m’inspiriez avant votre mariage ne méritait pas le nom d’amour. La considération de votre richesse alors me retenait. Je fus contrarié ; j’eus du chagrin, mais non du désespoir. Quel est donc le jour, Claire, où mon amour pour vous a commencé irrésistible, dévoué, profond ?

— Ce fut le jour, dit-elle, où vous m’aidâtes à descendre le mont de Cully, si faible, si écrasée, si désespérée, que je ne pus vous cacher mes larmes. Vous me fîtes asseoir, et vous éloignâtes de quelques pas, comme pour contempler le paysage ; mais seulement pour me laisser le temps de me remettre un peu. C’est depuis ce